Les plantes invasives en Corse


Il est indispensable de définir en premier lieu ce qu’est réellement une plante invasive.

Plusieurs définitions sont proposées. Voici les plus couramment utilisées.

Les espèces « invasives » sont, pour le plus grand nombre, des espèces naturalisées, c’est à dire des espèces d’origine exotique qui prolifèrent dans des milieux semi-naturels et naturels distants de leurs territoires d’origine. Les espèces dites « invasives » se définissent également en fonction des impacts négatifs qu’elles font subir aux écosystèmes naturels, à l’agriculture, au paysage, à la santé … dès qu’elles prolifèrent. Le caractère envahissant d’une plante peut aussi être associé à des critères biologiques.

Les plantes invasives sont des plantes naturalisées qui produisent une progéniture, souvent très importante, à de grandes distances des plants parents et peuvent donc, potentiellement, se propager sur une aire considérable.

Carpobrotus acinaciformis Opuntia ficus-indica
Carpobrotus acinaciformis Opuntia ficus-indica

Les modes d’introduction des espèces invasives

L’introduction de nouvelles espèces peut se faire de façon volontaire ou involontaire.

  • Introductions volontaires par l’horticulture (qui est la cause principale d’introduction d’espèces invasives), l’agriculture, la sylviculture, la conservation des sols, le contrôle biologique, la recherche, le jardinage, l’aquariophilie et autres.
  • Introductions involontaires par contamination de produits agricoles, semences, bois, etc. Ou encore liées aux moyens de transport (les colis, les containers de navires, les navires, les trains, les avions, les camions, les automobilistes, les bagages, les routes, etc).


Part des espèces introduites dans la flore méditerranéenne

La flore Corse compte 2781 taxons, dont à peu près 15% sont exotiques.

Parmi ces plantes exotiques :

  • 6% sont naturalisées (153)
  • 6% sont subspontanées (174)
  • 3% % sont adventices (77)
  • 2 % sont cultivées (64)

Caractéristiques des plantes invasives

Biologie des plantes invasives

Il n’existe pas de profil type de la plante envahissante. Il peut s’agir aussi bien d’annuelles, de vivaces, d’arbustes que d’arbres.

Toutefois, quelques traits communs peuvent être identifiés :

  • reproduction sexuée et/ou végétative très performante,
  • propagation souvent favorisée par les activités humaines,
  • période de latence de plusieurs décennies entre l’introduction de l’espèce et sa prolifération.


Les espèces invasives favorisées par la perturbation des milieux

Ailanthus altissima
Ailanthus altissima

L’invasion par certaines espèces est déterminée ou accentuée par le dysfonctionnement de l’écosystème dans lequel elles prolifèrent. Le dysfonctionnement d’un écosystème est la conséquence de perturbations d’origines naturelle ou artificielle. Si la perturbation est mesurée et de durée limitée, on parle de « stress ». Une gelée printanière, une brusque montée des eaux, une intempérie violente,…

Les perturbations d’origine naturelle sont, par exemple, une éruption volcanique, un incendie,… Celles d’origine artificielle sont : la déforestation massive, l’épuisement des terres, les pollutions, les inondations… entraînant une fragilisation des écosystèmes et une disparition des espèces les moins résistantes. L’explosion démographique soudaine d’une espèce peut donc mettre en évidence un dysfonctionnement du système, d’origine naturelle ou artificielle.

Les plantes invasives s’installent et se propagent, en premier lieu, dans les habitats instables et modifiés par l’homme comme les champs cultivés, les vergers, et les jardins ou les friches urbaines et périurbaines, les bords de route… Après un temps de latence, pendant lequel la population augmente, l’espèce gagne les habitats naturels ayant subit des perturbations.

On trouve également des plantes invasives dans des habitats peu ou pas perturbés. Dans la région méditerranéenne, les forêts le long des courts d’eau (ripisylves) sont sujettes aux invasions de Faux indigo, de Balsamine de l’Himalaya, de Renouée du Japon ou d’Arbre aux papillons. Ce phénomène est dû aux conditions climatiques propres à ce type d’écosystème où la sécheresse estivale est absente. Le Mimosa d’hiver a été capable de se développer sur les sols acides de Provence. Quelques succulentes telles que les Figuiers de Barbarie ou les Griffes de sorcière sont maintenant présentes dans les zones les plus chaudes du bassin méditerranéen...

Les nuisances

Les nuisances causées par les plantes invasives sont multiples :

Sur l’environnement

Senecio inaequidens
Senecio inaequidens

Les proliférations d’espèces invasives entraînent généralement une diminution de la biodiversité végétale. Cela est dû au caractère très compétitif des espèces invasives qui leur permet d’éliminer les espèces moins agressives. Ces invasions sont d’autant plus gênantes que l’espèce concurrencée est rare, protégée ou à valeur patrimoniale. Ainsi, le Séneçon du Cap (fiche AME*) porterait préjudice à la Centaurée de la Clape, plante endémique rare et protégée du Languedoc-Roussillon.

Caulerpa taxifolia et Caulerpa racemosa sont deux algues qui ont été introduites accidentellement en Méditerranée et ont un impact fortement négatif sur la biodiversité (notamment sur les herbiers de Posidonie).

Informations complémentaires :

Ludwigia peploides
Ludwigia peploides


Les Jussies (fiche AME*) stoppent le rayonnement solaire indispensable aux espèces aquatiques. Les modifications des habitats et des communautés végétales qu’engendrent les invasions peuvent, de plus, avoir des conséquences sur le milieu et sur la faune.

Sur la santé

Certaines espèces invasives peuvent se révéler extrêmement problématiques pour la santé. C’est le cas de l’Ambroisie, plante très allergène qui provoque le rhume des foins chez 6 % à 12 % des Rhône- Alpins. La Grande Berce du Caucase quant à elle, provoque des brûlures cutanées.

Sur les pratiques humaines

Certaines espèces invasives peuvent faire obstacle à la chasse, la pêche, l’élevage et la gestion de l’eau. Par exemple, les Jussies (fiche AME*) ont envahi les cours d’eau calmes, les roubines et les étangs en Languedoc-Roussillon. Elles gênent la circulation des barques ainsi que la progression des personnes, elles diminuent les surfaces des plans d’eau dans les marais de chasse, elles sont délaissées par les herbivores et entraînent une perte d’espace à pâturer.

Sur l’agriculture

Certaines plantes invasives concurrencent les espèces cultivées pour les ressources en eau et en nutriments, elles diminuent donc les rendements et la qualité des cultures, interfèrent avec les opérations de récolte et réduisent la valeur de la terre. Par exemple, le Séneçon du Cap (fiche AME*) est toxique pour le bétail, il diminue la valeur pastorale des terres. Il constitue également une mauvaise herbe pour les vignobles.

Sur les paysages

Une plante invasive, comme par exemple le Robinier faux-Acacia, l’Arbre aux papillons ou le Mimosa, peut entraîner une profonde modification des paysages. Cependant, l’appréciation de la « dégradation » d’un paysage reste subjective.

Cortaderia selloana Oxalis pes-caprae
Cortaderia selloana Oxalis pes-caprae

Les méthodes de lutte

La lutte contre les espèces invasives est d’autant plus efficace qu’elle intervient en début d’invasion.

Tant qu’une prolifération est limitée, il est possible d’envisager une éradication. Par éradication, on entend l’élimination totale de l’espèce sur un territoire donné.

Si une invasion a pris trop d’ampleur, l’éradication ne sera plus possible. Seul le contrôle de l’espèce pourra être envisagé.

Il existe différents moyens de contrôler les plantes invasives. Le choix de la ou des méthodes à employer est à déterminer lors d’un diagnostic prenant en considération l’historique de l’invasion, les flux de population, les conditions écologiques, l’intérêt patrimonial, les usages de la zone envahie et les objectifs de gestion.

Le contrôle manuel et mécanique

Phytolacca americana
Phytolacca americana

Ce type de contrôle concerne les espèces terrestres et aquatiques. Il repose sur l’arrachage, le fauchage, le moissonnage, le débroussaillage ou les coupes de ligneux. Les coûts de cette méthode sont souvent très élevés mais leur efficacité est totale (élimination de l’espèce) à condition que l’opération touche de faibles populations à un stade précoce d’invasion. Si l’invasion est trop importante, l’objectif se restreint à la limitation temporaire des nuisances provoquées par les proliférations.

Le contrôle chimique

L’usage d’herbicides pour les espèces terrestres et aquatiques a, comme pour le contrôle mécanique, des résultats partiels et temporaires.

Cette technique est plutôt à utiliser combinée à d’autres méthodes. De plus, les impacts sur la biodiversité et l’environnement (résidus dans le sol et l’eau) ne sont pas négligeables.

Le contrôle biologique

Il consiste à introduire des consommateurs (insectes, gastéropodes,…) ou des parasites (champignons, bactéries,…) qui s’attaqueront à la plante invasive. Cette technique a fait ses preuves en Amérique où elle est considérée comme la plus efficace. Elle reste peu utilisée en France.

Le contrôle écologique

Les perturbations naturelles ou humaines des écosystèmes favorisent le développement d’un grand nombre d’espèces invasives. L’arrêt de ces perturbations ou la restauration des milieux peuvent être des méthodes pertinentes.

Source : Plantes envahissantes de la région méditerranéenne, Agence Méditerranéenne de l’Environnement, région Languedoc-Roussillon ; Agence Régionale Pour l’Environnement, Provence-Alpes-Côte d’Azur) www.ame-lr.org; www.arpe-paca.org



*AME : Agence Méditerranéenne de l'Environnement


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